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Ô prêtre bien-aimé, faut-il que je te pleure,
   Avec tout un peuple attristé ;
Ou bien, dois-je envier l’éternelle demeure,
   Où les anges t’ont transporté ?

Dois-je pleurer sur toi, — sur toi, frère que j’aime,
   Hélas ! autant que tu m’aimais ;
Ou bien, dois-je pleurer et gémir sur moi-même,
   Qui reste sans toi désormais ?

Ah ! malgré ma douleur et le deuil populaire,
   Je le dis, oh ! oui, je le dis :
De ses ailes d’azur secouant la poussière,
   Dans les splendeurs du paradis,

Ton âme glorieuse, avec béatitude,
   Là-haut, plane et chante au milieu
De toute l’angélique et sainte multitude,
   Qui forme les élus de Dieu !…

Tu meurs, ô frère aimé, le jour de Sainte-Rose ;
   Ta mort, c’est l’immortalité :
Pour tes pieux travaux, reçois l’apothéose,
   La gloire de l’éternité !

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Le Pionnier Solitaire.

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à mon plus jeune frère térence.

 
Un disciple de Boon, ermite centenaire,
Vivait indépendant, près d’un lac solitaire :
Des modernes progrès il ignorait l’essor ;
Nul steam-boat, nul rail-way, nul télégraphe encor,
N’avait, en ébranlant sa hutte inaccessible,
D’une étrange frayeur ému son cœur paisible !
Il ignorait, — depuis le sage Washington, —
Quels grands élus du Peuple avaient pris le timon ;
Quels puissants orateurs, au gré de leur parole,
Avaient bouleversé les flots du Capitole !
Il ignorait les noms, — (illettré comme Boon),
De Webster et de Clay, de Hayne et de Calhoun.
Les chants de Longfellow dans son âme ravie
N’avaient point répandu leur fleuve d’harmonie;
Et les chastes accords d’Halleck et de Bryant