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 Tout fut créé pour l’homme, et l’homme est fait pour Dieu ;
Son cœur ne doit brûler que d’un céleste feu ;
Il doit tout rapporter à l’Auteur de sa vie ;
Un triple monde s’ouvre à son âme ravie :
Le monde qui frappa son regard enfantin,
Le monde de l’esprit et le monde divin ;
Le chrétien seul peut vivre, en toute plénitude,
Passant d’un monde à l’autre avec béatitude ;
Et voyant rayonner, l’un par l’autre éclairé,
Pour l’âme et pour les sens, ce triple ordre sacré.
L’âme que l’Esprit-Saint habite, éclaire, embrase,
De la science monte à l’amour et l’extase ;
De la charité vive, — appliquée au prochain, —
À l’union passive, au repos dans le Bien,
Où, comme ensevelie en un sommeil mystique,
Immobile, impassible, elle plane extatique : —
Inénarrable essor, séraphique union,
Où luit le seul éclat de l’intuition ;
Où l’âme, retirée ainsi qu’au fond d’un temple,
Dans la lumière même, et dans l’amour, contemple !

 C’est ainsi qu’en ce monde, éblouissant miroir,
Où la beauté de Dieu se laisse apercevoir,
Brille l’intime accord qui naît des grands contrastes,
Et le centre commun de ces sphères si vastes ;
Et l’ensemble enchaîné, l’éclatante Unité, —
Éternelle Unité dans la variété !
 L’univers tout entier, pour l’œil qui sait y lire,
N’est qu’un brillant poème, un symbole, une lyre,
Le voile transparent, l’harmonieux écho,
L’éclat matériel de l’invisible Beau !
Et le chaste Mystique ou le divin poète,
De la création sympathique interprète,
Du triple ordre sacré saisit tous les rapports ;
Et son amour éclate en magiques accords ;
Sur des ailes de feu que n’a pas le génie,
Il vole, plane et chante en un ciel d’harmonie ;
Et s’élève toujours, de clartés en clartés,
Jusqu’au Centre éternel de toutes vérités !….

 Mais, je comprends, Brownson, ta haute intelligence,
Répandant sur nous tous sa féconde effulgence ;
Je comprends ta Revue, immense mine d’or,
Riche Californie, indigène trésor,
Arsenal littéraire, où nous trouvons des armes,
Pour vaincre et terrasser l’erreur pleine d’alarmes ! —
 Je te comprends, Hecker, avec tes compagnons
De la Cause Éternelle éloquents champions ;