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aux immenses troupeaux qui paissent dans les savanes voisines. C’est là, qu’aux jours tièdes de l’été, les pécheurs du lac viennent se reposer de leurs lointaines excursions ; c’est là que, l’hiver, les aventureux chasseurs de la pinière dressent leurs tentes passagères.

Les deux rives de ces bayous agrestes et solitaires sont semées de plantes et d’arbres sans nombre. À côté du cirier toujours vert, croit le cassinier, aux fruits d’un rouge de corail ; à côté du magnolia des Florides s’élève le cyprès chevelu qui baigne dans l’eau ses racines humides et verdâtres. La sauge, le plantain et la vipérine y exhalent au loin leurs parfums. Partout des chants, des bruits, des voix mystérieuses : c’est le chant de l’étourneau perché sur un roseau mouvant ; c’est le sifflement harmonieux du cardinal et de la caille des prairies ; c’est le cri bref et monotone du cli-clique, pareil au tintement argentin d’une clochette, c’est le retentissement du bec sonore du pic à tête rouge, qui tournoie sur l’écorce noueuse des oliviers et des copalmes. Puis, soudain, tout rentre dans le repos ; on n’entend, dans le calme profond, universel de la nature, que la chanson lointaine d’un nègre qui passe en pirogue, frappant de sa pagaie indolente les eaux dormantes et silencieuses.

Les bords sinueux de ces bayous sont fort peu habités. Quelques maisons isolées surgissent de distance en distance. La plupart des habitans ont des briqueteries qui leur rapportent d’immenses revenus. Les esclaves y sont fort bien traités et sont très-heureux. Ils travaillent à la tâche. L’ouvrage terminé, ils s’appartiennent et disposent de leur temps comme bon leur semble. Les uns cultivent leurs jardins ; d’autres réduisent en poudre fine la feuille desséchée du sas-