Page:Rouquette - Meschacébéennes, 1839.djvu/24

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Quand dans mon sein mon cœur battait avec effort,
Lorsque je me couchais triste près d’un bois-fort,
Et que, morne fantôme, à l’ombre de l’yeuse,
J’inclinais, en pleurant, ma tête soucieuse ;
Oh ! puisque pour toujours, enfin, j’ai renoncé
À ce rêve d’amour qui m’a longtemps bercé,
Ce rêve d’avenir et d’illusions folles,
Fusion de deux cœurs, de deux âmes créoles,
Étreintes sur un lit de mousse et de plantain,
Quand le silence plane au bois, après le bain,
Quand la forêt se tait, que, muets, on s’écoute,
Et que le bonheur est si grand que l’on en doute ;
Oh ! désormais, je puis vivre content de peu,
Et plus sage aujourd’hui, je ne forme qu’un vœu :
C’est de m’ensevelir dans une solitude,
De me bâtir, là-bas, un abri pour l’étude,
C’est, renonçant enfin aux songes de Réné,
De vivre insoucieux, d’auteurs environné.
Oh ! non, Paris n’est point, ma souffrance l’atteste,
L’enivrante oasis où pour toujours on reste !
Ô ma sainte pinière, ô mes bayous sans nom,
À vous toujours me lie un mystique chaînon !
Je suis, je suis toujours l’enfant de la savane,
Le sauvage banni qui reveut sa cabane.
Sous un nouveau soleil rien n’a pu me changer ;
Oh ! quand verrai-je encor les bois de l’Oranger,