Page:Rousseau - Œuvres complètes (éd. Dupont), tome 2, Discours, 1824.djvu/242

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

cidé qui résulte de cet alliage des ris avec les pleurs, est préférable au plaisir seul de pleurer, ou même au plaisir seul de rire ? Les hommes sont tous de fer ! s’écrie l’Enfant prodigue, après avoir fait à son valet la peinture odieuse de l’ingratitude et de la dureté de ses anciens amis ; et les femmes ? lui répond le valet, qui ne veut que faire rire le parterre ; j’ose inviter l’illustre auteur de cette pièce à retrancher ces trois mots, qui ne sont là que pour défigurer un chef-d’œuvre. Il me semble qu’ils doivent produire sur tous les gens de goût le même effet qu’un son aigre et discordant qui se ferait entendre tout-à-coup au milieu d’une musique touchante.

Après avoir dit tant de mal des spectacles, il ne vous restait plus, monsieur, qu’à vous déclarer aussi contre les personnes qui les représentent et contre celles qui, selon vous, nous y attirent ; et c’est de quoi vous vous êtes pleinement acquitté par la manière dont vous traitez les comédiens et les femmes. Votre philosophie n’épargne personne, et on pourrait lui appliquer ce passage de l’Écriture, et manus ejus contra omnes. Selon vous, l’habitude où sont les comédiens de revêtir un caractère qui n’est pas le leur, les accoutume à la fausseté. Je ne saurais croire que ce reproche soit sérieux. Vous feriez le procès sur le même principe à tous les auteurs de pièces de théâtre, bien plus obligés encore que le comédien de se transformer dans les personnages qu’ils ont à faire parler sur la scène. Vous ajoutez qu’il est vil de s’exposer