Page:Rousseau - Œuvres complètes (éd. Dupont), tome 2, Discours, 1824.djvu/255

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à proportion de son étendue, une des plus riches de l’Europe ; et j’ai lieu de croire que plusieurs citoyens opulents de cette ville, qui désireraient d’y avoir un théâtre, fourniraient sans peine à une partie de la dépense ; c’est du moins la disposition où plusieurs d’entre eux m’ont paru être, et c’est en conséquence que j’ai hasardé la proposition qui vous alarme. Cela supposé, il serait aisé de répondre en deux mots à vos autres objections. Je n’ai point prétendu qu’il y eût à Genève un spectacle tous les jours ; un ou deux jours de la semaine suffiraient à cet amusement, et on pourrait prendre pour un de ces jours celui où le peuple se repose ; ainsi d’un côté le travail ne serait point ralenti, de l’autre la troupe pourrait être moins nombreuse, et par conséquent moins à charge à la ville ; on donnerait l’hiver seul à la comédie, l’été aux plaisirs de la campagne, et aux exercices militaires dont vous parlez. J’ai peine à croire aussi qu’on ne pût remédier par des lois sévères aux alarmes de vos ministres sur la conduite des comédiens, dans un état aussi petit que celui de Genève, où l’œil vigilant des magistrats peut s’étendre au même instant d’une frontière à l’autre, où la législation embrasse à la fois toutes les parties ; où elle est enfin si rigoureuse et si bien exécutée contre les désordres des femmes publiques, et même contre les désordres secrets. J’en dis autant des lois somptuaires, dont il est toujours facile de maintenir l’exécution dans un petit état : d’ailleurs la vanité même ne sera guère intéressée à les violer, parce qu’elles