Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/113

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ont substitue : lui seul en un mot me parut dans sa véhémence inspire par le seul amour du bien public sans vue secrete & sans intérêt personnel. Je trouvois d’ailleurs sa vie & ses maximes si bien d’accord que je me confirmois dans les miennes & j’y prenois plus de confiance par l’exemple d’un penseur qui les médita si long-tems, d’un écrivain qui méprisant l’esprit de parti & ne voulant former ni suivre aucune secte, ne pouvoit avoir dans ses recherches d’autre intérêt que l’intérêt public & celui de la vérité. Sûr toutes ces idées, je me faisois un plan de vie dont son commerce auroit fait le charme, & moi à qui la société des hommes n’offre depuis long-tems qu’une fausse apparence sans réalité, sans vérité, sans attachement, sans aucun véritable accord de sentimens ni d’idées, & plus digne de mon mépris que de mon empressement, je me livrois à l’espoir de retrouver en lui tout ce que j’avois perdu, de goûter encore les douceurs d’une amitié sincere, & de me nourrir encore avec lui de ces grandes & ravissantes contemplations qui sont la meilleure jouissance de cette vie & la seule consolation solide qu’on trouvé dans l’adversité.

J’étois plein de ces sentimens, & vous l’avez pu connoitre, quand avec vos cruelles confidences vous êtes venu resserrer mon cœur & en chasser les douces illusions auxquelles il étoit prêt à s’ouvrir encore. Non, vous ne connoîtrez jamais à quel point vous l’avez déchire. Il faudroit pour cela sentir à combien de célestes idées tenoient celles que vous avez détruites. Je touchois au moment d’être heureux en dépit du sort & des hommes, & vous me replongez pour jamais dans toute ma misère ; vous m’ôtez toutes les espérances qui me