Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/120

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n’a nul espoir d’offusquer, qui travailleroit bien vite à lui faire payer cher l’éclat qu’il peut avoir de plus que lui, pour peu qu’il vit de jour à y réussir. Des qu’un homme a eu le malheur de se distinguer à certain point, à moins qu’il ne se fasse craindre ou qu’il ne tienne à quelque parti, il ne doit plus compter sûr l’équité des autres à son égard, & ce sera beaucoup si ceux-mêmes qui sont plus célebres que lui lui pardonnent la petite portion qu’il a du bruit qu’ils voudroient faire tout seuls.

Je n’ajouterai rien de plus. Je ne veux parler ici qu’à votre raison. Cherchez à ce que je viens de vous dire une réponse donc elle soit contente, & je me tais. En attendant voici ma conclusion. Il est toujours injuste & téméraire de juger un accuse tel qu’il soit sans vouloir l’entendre ; mais quiconque jugeant un homme qu à fait du bruit dans le monde, non-seulement le juge sans l’entendre, mais se cache de lui pour le juger, quelque prétexte spécieux qu’il allègue & fut-il vraiment juste & vertueux, fut-il un ange sûr la terre, qu’il rentre bien en lui-même, l’iniquité sans qu’il s’en doute est cachée au fond de son cœur.

Étranger, sans parens, sans appui, seul, abandonne de tous, trahi du plus grand nombre, J. J. est dans la pire position ou l’on puisse être pour être juge équitablement. Cependant dans les jugemens sans appel qui le condamnent à l’infamie, qui est-ce qui a pris sa défense & parle pour lui, qui est-ce qui s’est donne la peine d’examiner l’accusation les accusateurs les preuves avec ce zele & ce soin que peut seul inspirer l’intérêt de soi-même ou de son plus intime ami ?