Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/210

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expressifs qu’à l’ordinaire, sont seulement plus inconsidérés. Il eleve beaucoup la voix ; mais ce qu’il dit devient plus bruyant sans être plus vigoureux. Quelquefois, cependant, je lui ai trouve de l’énergie dans l’expression ; mais ce n’étoit jamais au moment d’une explosion subite ; c’étoit seulement lorsque cette explosion ayant précédé avoit déjà produit son premier effet. Alors cette émotion prolongée agissant avec plus de regle sembloit agir avec plus de force & lui suggéroit des expressions vigoureuses pleines du sentiment dont il étoit encore agite. J’ai compris par-là comment cet homme pouvoit quand son sujet échauffoit soin cœur écrire avec force, quoiqu’il parlât foiblement, & comment sa plume devoit mieux que sa langue parler le langage des passions.

Le François.

Tout cela n’est pas si contraire que vous pensez aux idées qu’on m’a données de son caractere. Cet embarras d’abord & cette timidité que vous lui attribuez sont reconnus maintenant dans le monde pour être les plus sures enseignes de l’amour-propre & de l’orgueil.

Rousseau.

D’ou il suit que nos petits patres & nos pauvres villageoises regorgent d’amour-propre, & que nos brillans Académiciens, nos jeunes Abbés & nos Dames du grand air sont des prodiges de modestie & d’humilité ? Oh malheureuse nation toutes les idées de l’aimable & du bon sont renversées, & ou l’arrogant amour-propre des gens du monde transforme en orgueil & en vices les vertus qu’ils foulent aux pieds !