Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/214

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Ce qui m’importoit, étoit de m’assurer de leur réalité, & c’est aussi tout ce que j’ai fait. Mais ce résultat, pour paroître à vos yeux dans tout son jour à besoin des explications que je vais tacher d’y joindre.

J’ai souvent oui reprocher à J. J., comme vous venez de faire, un excès de sensibilité, & tirer de-là l’évidente conséquence qu’il étoit un monstre. C’est sur-tout le but d’un nouveau livre Anglois intitule recherches sur l’ame, ou, à la faveur de je ne sais combien de beaux détails anatomiques, & tout-à-fait concluans, on prouve qu’il n’y a point d’ame puisque l’auteur n’en à point vu à l’origine des nerfs, & l’on établit en principe que la sensibilité dans l’homme est la seule cause de ses vices & de ses crimes, & qu’il est méchant en raison de cette sensibilité, quoique par une exception à la regle l’auteur accorde que cette même sensibilité peut quelquefois engendrer des vertus. Sans disputer sur la doctrine impartiale du philosophe-chirurgien, tachons de commencer par bien entendre tendre ce mot de sensibilité, auquel, faute de notions exactes, on applique à chaque irritant des idées si vagues & souvent contradictoires.

La sensibilité est le principe de toute action. Un être, quoiqu’anime, qui ne sentiroit rien, n’agiroit point : car ou seroit pour lui le motif d’agir ? Dieu lui-même est sensible puisqu’il agit. Tous les hommes sont donc sensibles, & peut-être au même degré, mais non pas de la même maniere. Il y a une sensibilité physique & organique, qui, purement passive, paroît n’avoir pour fin que la conservation de notre corps & celle de notre espece par les directions du plaisir & de la douleur.