Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/238

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monde des sujets ou il trouvât tout cela. À force de désirer, il croiroit souvent trouver se qu’il cherche ; les moindres apparences lui paroîtroient des qualités réelles, les moindres protestations lui tiendroient lieu de preuves, dans tous ses attachemens il croiroit toujours trouver le sentiment qu’il y porteroit lui-même, toujours trompe dans son attente & toujours caressant son erreur, il passeroit sa jeunesse à croire avoir réalise ses fictions ; à peine l’age mur & l’expérience les lui montreroient enfin pour ce qu’elles sont, & malgré les erreurs fautes & les expiations d’une longue vie, il n’y auroit peut-être que le concours des plus cruels malheurs qui pût détruire son illusion chérie & lui faire sentir que ce qu’il cherche ne se trouve point sur la terre, ou ne s’y trouve que dans ordre de choses bien différent de celui ou il l’a cherche.

La vie contemplative dégoûte de l’action. Il n’y a point d’attrait plus séducteur que celui des fictions d’un cœur aimant & tendre qui dans l’univers qu’il se crée à son gré, se dilate s’étend à son aise délivre des dures entraves qui le compriment dans celui-ci. La réflexion, la prévoyance, mere des soucis & des peines n’approchent gueres d’une ame enivrée des charmes de la contemplation. Tous les soins fatigans de la vie active lui deviennent insupportables & lui semblent superflus ; & pourquoi quoi se donner tant de peines dans l’espoir éloigne d’un succès si pauvre si incertain, tandis qu’on peut des l’infant même dans une délicieuse rêverie jouir à son aise de toute la félicite dont on sent en soi la puissance & le besoin ? Il deviendroit donc indolent paresseux par goût par raison il ne le seroit pas par tempérament. Que si par intervalle