Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/240

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ces maux, que par le trouble du repos, la privation du loisir, la nécessité d’agir de maniere ou d’autre, qui s’ensuivroient inévitablement & qui alarmeroient plus sa paresse que la crainte du mal n’épouvanteroit son courage. Mais tout cet effroi subit & momentané seroit sans suite & stérile en effets. Il craindroit moins la souffrance que l’action. Il aimeroit mieux voir augmenter ses maux & rester tranquille que de se tourmenter pour les adoucir ; disposition qui donneroit beau jeu aux ennemis qu’il pourroit avoir.

J’ai dit que J. J. n’étoit pas vertueux : notre homme ne le seroit pas non plus ; & comment, foible & subjugue par ses perchons pourroit-il l’être, n’ayant toujours pour guide que son propre cœur, jamais son devoir ni sa raison ? Comment la vertu qui n’est que travail & combat régneroit-elle au sein de la mollesse & des doux loisirs ? Il seroit bon, parce que la nature l’auroit fait tel ; il feroit du bien, parce qu’il lui seroit doux d’en faire : mais s’il s’agissoit de combattre ses plus chers desirs & de déchirer son cœur pour remplir son devoir, le feroit-il aussi ? J’en doute. La loi de la nature, sa voix du moins ne s’étend pas jusques-la. Il en faut une autre alors qui commande, que la nature se taise.

Mais se mettroit-il aussi dans ces situations violentes d’ou naissent des devoirs si cruels ? J’en doute encore plus. Du tumulte des sociétés naissent des multitudes de rapports nouveaux & souvent opposes qui tiraillant en sens contraires ceux qui marchent avec ardeur dans la route sociale. À peine ont-ils alors d’autre bonne regle de justice que de résister à tous leurs penchans, & de faire toujours le contraire de ce qu’ils