Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/297

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commisération la générosité, ces premieres inclinations de nature, qui ne sont que des émanations de l’amour de soi, ne s’érigeront point dans sa tête en d’austères devoirs ; mais elles seront des besoins de son cœur qu’il satisfera plus pour son propre bonheur que par un principe d’humanité qu’il ne songera gueres à réduire en regles. L’instinct de la nature est moins pur peut-être, mais certainement plus sur que la loi la vertu : car on se met souvent en contradiction avec son devoir, jamais avec son penchant pour mal faire.

L’homme de la nature éclaire par la raison à des appétits plus délicats mais non moins simples que dans sa premiere grossièreté. Les fantaisies d’autorité de célébrité de prééminence ne sont rien pour lui ; il ne veut être connu que pour être aime, il ne veut être loue que de ce qui est vraiment louable & qu’il possede en effet. L’esprit les talens ne sont pour lui que des ornemens du mérite & ne le constituent pas. Ils sont des développemens nécessaires dans le progrès des choses & qui ont leurs avantages pour les agrémens de la vie, mais subordonnes aux facultés plus précieuses qui rendent l’homme vraiment sociable & bon, & qui lui sont priser l’ordre la justice la droiture & l’innocence au-dessus de tous les autres biens. L’homme de la nature apprend à porter en toute chose le joug de la nécessité & à s’y soumettre, à ne murmurer jamais contre la providence qui commença par le combler de dons précieux, qui promet à son cœur des biens plus précieux encore, mais qui pour réparer les injustices de la fortune & des hommes choisit son heure & non pas la notre, & dont les vues sont trop au-dessus de nous pour qu’elle nous doive