Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/326

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tous ses accusateurs tous leurs complices. On tremble qu’il n’écrive pour si défense, on s’inquiète de tout ce qu’il dit, de tout ce qu’il fait, de tout ce qu’il peut faire ; chacun paroît agite de l’effroi de voir paroître de lui quelque apologie. On l’observe on l’épie avec le plus grand soin pour tacher d’éviter ce malheur. On veille exactement à tout ce qui l’entoure, à tout ce qui l’approche, à quiconque lui dit un seul mot. Sa santé sa vie sont de nouveaux sujets d’inquiétude pour le public : on craint qu’une vieillesse aussi fraîche ne démente l’idée des maux honteux dont on se flattoit de le voir périr ; on craint qu’à la longue les précautions qu’on entasse ne suffisent plus pour l’empêcher de parler. Si la voix de l’innocence alloit enfin se faire entendre à travers les huées, quel malheur affreux ne seroit-ce point pour le Corps des Gens de lettres, pour celui des Médecins, pour les Grands, pour les Magistrats, pour tout le monde ? Oui, si forçant ses contemporains à le reconnaîtra honnête homme, il parvenoit à confondre enfin ses accusateurs, sa pleine justification seroit la désolation publique.

Tout cela prouve invinciblement que la haine dont J. J. est l’objet, n’est point la haine du vice & de la méchanceté, mais celle de l’individu. Méchant ou bon, il n’importe ; consacre à la haine publique il ne lui peut plus échapper, &pour peu qu’on connoisse les routes du cœur humain, l’on voit que son innocence reconnue ne serviroit qu’à le rendre plus odieux encore, & à transformer en rage l’animosité dont il est l’objet. On ne lui pardonne pas maintenant de secouer le pesant joug dont chacun voudroit l’accabler, on lui pardonneroit bien moins les torts qu’on se reprocheroit envers lui, & puisque vous-même