Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/353

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pour peu qu’il croye appercevoir au fond des ames, des sentimens naturellement honnêtes & quelques bonnes dispositions, il se laisse encore subjuguer. Je ris de sa simplicité & je l’enfais rire lui-même. Il espere toujours qu’en le voyant tel qu’il quelques-uns du moins n’auront plus le courage de le haïr, & croit à force de franchise toucher enfin ces cœurs de bronze. Vous concevez comment cela lui réussit ; il le voit lui-même, & après tant de tristes expériences, il doit enfin savoir à quoi s’en tenir.

Si vous eussiez fait une sois les réflexions que la raison suggère, & les perquisitions que la justice exige, avant de juger sévèrement un infortune, vous auriez senti que dans une situation pareille à la sienne, & victime d’aussi détestables complots, il ne peut plus, il ne doit plus du moins se livrer, pour ce qui l’entoure, à ses penchans naturels, dont vos Messieurs se sont servis si long-tems & avec tant de succès pour le prendre dans leurs filets. Il ne peut plus sans s’y précipiter lui-même, agir en rien dans la simplicité de son cœur. Ainsi ce n’est plus sur ses œuvres présentes qu’il faut le juger, même quand on pourroit en avoir le narre fidelle. Il faut rétrograder vers les tems ou rien ne l’empechoit d’être ;lui-même, ou bien le pénétrer plus intimement, intùs & in cute, pour y lire immédiatement les véritables dispositions de son ame que tant de malheurs n’ont pu aigrir. En le suivant dans les tems heureux de sa vie, & dans ceux même ou déjà la proie de vos Messieurs, il ne s’en doutoit pas encore, vous eussiez trouve l’homme bienfaisant & doux qu’il étoit & passoit pour être avant qu’on l’eut défigure. Dans tous les lieux ou il a vécu