Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/383

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j’eusse de son caractere & de ses mœurs, je n’ai jamais pu goûter le système de nos Messieurs, ni me résoudre à pratiquer leurs maximes. J’ai toujours trouve autant de bassesse que de fausseté dans cette maligne ostentation de bienfaisance, qui n’avoir pour but que d’en avilir l’objet. Il est vrai que ne concevant aucun défaut à tant de preuves si claires, je ne doutois pas un moment que J. J. ne fut un détestable hypocrite & un monstre qui n’eut jamais du naître, & cela bien accorde, j’avoue qu’avec tant de facilité qu’ils disoient avoir à le confondre, j’admirois leur patience & leur douceur a se laisser provoquer par ses clameurs sans jamais s’en émouvoir, & sans autre effet que de l’enlacer de plus en plus dans leurs rets pour toute réponse. Pouvant le convaincre si aisément je voyois une héroïque modération à n’en rien faire, & même en blâmant la méthode qu’ils vouloient suivre, je ne pouvois qu’admirer leur flegme stoïque à s’y tenir.

Vous ébranlâtes dans nos premiers entretiens la confiance que j’avois dans des preuves si fortes, quoiqu’administrées avec tant de mystère. En y repensant depuis, je fus plus frappe de l’extrême soin qu’on prenoit de les cacher à l’accuse que je ne l’avois été de leur force, & je commençois à trouver sophistiques & foibles les motifs qu’on alléguoit de cette conduite. Ces doutes étoient augmentes par mes réflexions sur cette affectation d’intérêt & de bienveillance pour un pareil scélérat. La vertu peut ne faire haïr que le vice, mais il est impossible qu’elle fasse aimer le vicieux, & pour s’obstiner à le laisser en liberté malgré les crimes qu’on le voit continuer de commettre, il faut certainement avoir quelque motif plus fort