Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/413

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seul cœur d’homme qui s’ouvrit au sien, qui sentit ses peines & qui les plaignit ; l’estime franche & pleine d’un seul l’eut dédommage du méprise de tous les autres. Je puis lui donner ce dédommagement & je le lui voue. Si vous vous joignez à moi pour cette bonne œuvre nous pouvons lui rendre dans ses vieux jours la douceur d’une société véritable qu’il a perdue depuis si long-tems & qu’il n’esperoit plus retrouver ici-bas. Laissons le public dans l’erreur ou il se complait, & dont il est digne, & montrons seulement à celui qui en est la victime que nous ne la partageons pas. Il ne s’y trompe déjà plus à mon égard, il ne s’y trompera point au votre, & si vous venez à lui avec les sentimens qui lui sont dus vous le trouverez prêt à vous les rendre. Les nôtres lui seront d’autant plus sensibles qu’il ne les attendoit plus de personne, & avec le cœur que je lui connois il n’avoit pas besoin d’une si longue privation pour lui en faire sentir le prix. Que ses perfécuteurs continuent de triompher, il verra leur prospérité sans peine : le désir de la vengeance ne le tourmenta jamais. Au milieu de tous leurs succès il les plaint encore, & les croit bien plus malheureux que lui. En effet quand la triste jouissance des maux qu’ils lui ont faits pourroit remplir leurs cœurs d’un contentement véritable, peut-elle jamais les garantir de la crainte d’être un jour découverts & démasqués ? Tant de soins qu’ils se donnent tant de mesures qu’ils prennent sans relâche depuis tant d’années ne marquent-elles pas la frayeur de n’en avoir jamais pris assez ? Ils ont beau renfermer la vérité dans de triples murs de mensonges & d’impostures qu’ils renforcent continuellement, ils tremblent toujours qu’elle ne s’échappé