Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t11.djvu/452

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vres m’annonçoient si clairement les intentions ? Leur confier mon manuscrit n’étoit autre chose que vouloir le remettre moi-même à mes persécuteurs, & la maniere dont j’étois enlacé ne me laissoit plus le moyen d’aborder personne autre.

Dans cette situation, trompé dans tous mes choix & ne trouvant plus que perfidie & fausseté parmi les hommes, mon ame exaltée par le sentiment de son innocence & par celui de leur iniquité s’éleva par un élan jusqu’au siége de tout ordre, & de toute vérité, pour y chercher les ressources que je n’avois plus ici-bas. Ne pouvant plus me confier a aucun homme qui ne me trahît, je résolus de me confier uniquement à la providence & de remettre à elle seule l’entiere disposition du dépôt que je desirois laisser en de sures mains.

J’imaginai pour cela de faire une copie au net de cet écrit & de la déposer dans une Église sur un Autel, & pour rendre cette démanche aussi solemnelle qu’il étoit possible, je choisis le grand Autel de l’Église de Notre-Dame, jugeant que par-tout ailleurs mon dépôt seroit plus aisément caché ou détourné par les Curés ou par les Moines, & tomberoit infailliblement dans les mains de mes ennemis, au lieu qu’il pouvoit arriver que le bruit de cette action fît parvenir mon manuscrit jusques sous les yeux du Roi ; ce qui étoit tout ce que j’avois