Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/112

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Sénat le jour qu’il y fut puni. En un mot, en me rappellant le grain de sable cité par Pascal, je suis à quelques égards de l’avis de votre Bramine, & de quelque maniere qu’on envisage les choses, si tous les événemens n’ont pas des effets sensibles, il me paroît incontestable que tous en ont de réels, dont l’esprit humain perd aisément le sil, mais qui ne sont jamais confondus par la nature.

Vous dites qu’il est démontré que les corps célestes font leur révolution dans l’espace non résistant ; c’étoit assurément une belle chose à démontrer ; mais selon la coutume des ignorans, j’ai très-peu de foi aux démonstrations qui passent ma portée. J’imaginerois que pour bâtir celle-ci l’on auroit à-peu-près raisonné de cette maniere. Telle force agissant selon telle loi doit donner aux astres tel mouvement dans un milieu non résistant ; or les astres ont exactement le mouvement calculé, donc il n’y a point de résistance. Mais qui peut savoir s’il n’y a pas, peut-être, un million d’autres loix possibles, sans compter la véritable, selon lesquelles les mêmes mouvemens s’expliqueroient mieux encore dans un fluide que dans le vide par celle-ci ? L’horreur du vide n’a-t-elle pas long-tems expliqué la plupart des effets qu’on a depuis attribués à l’action de l’air ? D’autres expériences ayant ensuite détruit l’horreur du vide, tout ne s’est-il pas trouvé plein ? N’a-t-on pas rétabli le vide sur de nouveaux calculs ? Qui nous répondra qu’un systême encore plus exact ne le détruira pas derechef ? Laissons les difficultés sans nombre qu’un physicien feroit peut-être sur la nature de la lumiere & des espaces éclairés ; mais croyez-vous de bonne soi que Bayle, dont