Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/137

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la facilité que je trouvois à les résoudre, venoit de l’opinion que j’ai toujours eue de la co-existence éternelle de deux principes, l’un actif, qui est Dieu ; l’autre passif, qui est la matiere, que l’être actif combine & modifie avec une pleine puissance, mais pourtant sans l’avoir créée & sans la pouvoir anéantir. Cette opinion m’a fait huer des philosophes à qui je l’ai dite : ils l’ont décidée absurde & contradictoire. Cela peut être, mais elle ne m’a pas paru telle, & j’y ai trouvé l’avantage d’expliquer sans peine & clairement à mon gré tant de questions dans lesquelles ils s’embrouillent ; entr’autres celle vous m’avez proposée ici comme insoluble.

Au reste, j’ose croire que mon sentiment peu pondérant sur toute autre matiere, doit l’être un peu sur celle-ci, & quand vous connoîtrez mieux ma destinée, quelque jour vous direz peut-être, en pensant à moi : quel autre a droit d’agrandir la mesure qu’il a trouvée aux maux que l’homme souffre ici-bas.

Vous attribuez à la difficulté de cette même question dont le fanatisme & la superstition ont abusé, les maux que les religions ont causés sur la terre. Cela peut être, & je vous avoue même que toutes les formules en matiere de foi ne me paroissent qu’autant de chaînes d’iniquité, de fausseté, d’hypocrisie & de tyrannie. Mais ne soyons jamais injustes, & pour aggraver le mal n’ôtons pas le bien. Arracher toute croyance en Dieu du cœur des hommes, c’est y détruire toute.C’est opinion, Monsieur, peut-être elle est fausse, mais tant que c’est la mienne je ne serai point allez lâche pour vous la dissimuler.

Faire le bien est l’occupation la plus douce d’un homme