Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/14

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l’image d’une félicité qui n’est, point m’en fera goûter quelques instans une véritable.

Je n’ai pu refuser ces premieres lignes au sentiment dont j’étois plein. Tâchons maintenant de raisonner de sang-froid. Bien résolu de ne rien avancer que je ne le prouve, je crois pouvoir prier le Lecteur à son tour de ne rien nier qu’il ne le réfute ; car ce ne sont pas tant les raisonneurs que je crains, que ceux qui, uns se rendre aux preuves, n’y veulent rien objecter.

Il ne faut pas avoir long-tems médité sur les moyens de perfectionner un Gouvernement quelconque, pour appercevoir des embarras & des obstacles qui naissent moins de sa constitution que de eu relations externes ; de sorte que la plupart des soins qu’il faudroit consacrer à sa police, on est contraint de les donner à sa sûreté, & de songer plus à le mettre en état de résister aux autres qu’à le rendre parfait en lui-même. Si l’ordre social étoit, comme on le prétend, l’ouvrage de la raison plutôt que des passions, eût-on tardé si long-tems à voir qu’on en a fait trop ou trop peu pour notre bonheurs ; que chacun de nous étant dans l’état civil avec ses concitoyens & dans l’état de nature avec tout le reste du monde, nous n’avons prévenu les guerres particulieres que pour en allumer de générales, qui sont mille fois plus terribles ; & qu’en nous unissant à quelques hommes nous devenons réellement les ennemis du genre humain ?

S’il y a quelque moyen de lever ces dangereuses contradictions, ce ne peut être que par une forme de gouvernement confédérative, qui, unissant les Peuples par des liens semblables