Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/162

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D’ailleurs la justice a sa mesure & sa regle exacte ; au lieu que la complaisance qui n’en a point, rend les enfans toujours exigeans & toujours mécontens. L’enfant donc qui aime sa Bonne sait que le sort de cette Bonne est dans le succès de ses soins, jugez de ce que sera l’enfant à mesure que son intelligence & son cœur se formeront.

Parvenue à certain âge, la petite fille est capricieuse ou mutine. Supposons un moment critique, important où elle ne veut rien entendre ; ce moment viendra bien rarement, on sent pourquoi. Dans ce moment fâcheux la Bonne manque de ressource. Alors elle s’attendrit en regardant son Eleve, & lui dit. C’en est donc fait ; tu m’ôtes le pain de ma vieillesse.

Je suppose que la fille d’un tel pere ne sera pas un monstre : cela étant, l’effet de ce mot est sûr ; mais il ne faut pas qu’il soit dit deux fois.

On peut faire en sorte que la petite se le dise à toute heure, & voilà d’où naissent mille biens à la fois. Quoi qu’il en soit, croyez-vous qu’une femme qui pourra parler ainsi à son Eleve, ne s’affectionnera pas à elle ? On s’affectionne aux gens sur la tête desquels on a mis des fonds ; c’est le mouvement de la nature, & un mouvement non moins naturel est de s’affectionner à son propre ouvrage, sur-tout quand on en attend son bonheur. Voilà donc notre premiere recette accomplie.

Seconde regle.

Il faut que la Bonne ait sa conduite toute tracée & une pleine confiance dans le succès.

Le mémoire instructif qu’il faut lui donner est une piece très-importante. Il faut qu’elle l’étudie sans cesse il faut qu’elle