Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/188

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trouverez qu’il n’a pas mal fait son devoir dans l’ouvrage en question, dont tout le monde sera content, & qui n’auroit pourtant obtenu l’approbation de personne.

Vous devez sentir encore, que l’irrégularité qu’on peut trouver dans mon procédé, est toute à mon préjudice & à l’avantage du Gouvernement. S’il y a quelque chose de bon dans mon ouvrage, on pourra s’en prévaloir ; s’il y a quelque chose de mauvais, on pourra le désavouer ; on pourra m’approuvera ou me blâmer selon les intérêts particuliers, ou le jugement du public. On pourroit même proscrire mon livre, si l’Auteur & l’Etat avoient ce malheur que le Conseil n’en fût pas content ; toutes choses qu’on ne pourroit plus faire après en avoir approuvé la Dédicace. En un mot, si j’ai bien dit en l’honneur de ma Patrie, la gloire en sera pour elle : si j’ai mal dit, le blâme en retombera sur moi seul. Un bon citoyen peut-il se faire un scrupule d’avoir à courir de tels risques ?

Je supprime toutes les considérations personnelles qui peuvent me regarder, parce qu’elles ne doivent jamais entrer dans les motifs d’un homme de bien, qui travaille pour l’utilité publique. Si le détachement d’un cœur qui ne tient ni à la gloire, ni à la fortune, ni même à la vie, peut le rendre digne d’annoncer la vérité, j’ose me croire appellé à cette vocation sublime : c’est pour faire aux hommes du bien selon mon pouvoir, que je m’abstiens d’en recevoir d’eux, & que je chéris ma pauvreté & mon indépendance. Je ne veux point supposer que de tels sentimens puissent jamais me nuire auprès de mes concitoyens ; & c’est sans le prévoir, ni le craindre, que je prépare mon ame à cette derniere épreuve, la seule à laquelle