Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/196

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dans nos murs comme dans vos écrits. Tout ce qui vous approche doit apprendre de vous le chemin de la gloire.

Vous voyez que je n’aspire pas à nous rétablir dans notre bêtise, quoique je regrette beaucoup, pour ma part, le peu que j’en ai perdu. À votre égard, Monsieur, ce retour seroit un miracle, si grand à la fois & si nuisible, qu’il n’appartiendroit qu’à Dieu de le faire & qu’au Diable de le vouloir. Ne tentez donc pas de retomber à quatre pattes ; personne au monde n’y réussiroit moins que vous. Vous nous redressez trop bien sur nos deux pieds pour cesser de vous tenir sur les vôtres.

Je conviens de toutes les disgraces qui poursuivent les hommes célebres dans les Lettres ; je conviens même de tous les maux attachés à l’humanité, & qui semblent indépendans de nos vaines connoissances. Les hommes ont ouvert sur eux-mêmes tant de sources de miseres, que quand le hasard en détourne quelqu’une, ils n’en sont gueres moins inondés. D’ailleurs, il y a dans le progrès des choses des liaisons cachées que le vulgaire n’apperçoit pas, mais qui n’échapperont point à l’œil du sage quand il y voudra réfléchir. Ce n’est ni Térence, ni Cicéron, ni Virgile, ni Séneque, ni Tacite ; ce ne sont ni les savans, ni les poëtes qui ont produit les malheurs de Rome & les crimes des Romains mais sans le poison lent & secret qui corrompit peu-à-peu le plus vigoureux Gouvernement dont l’histoire ait fait mention, Cicéron, ni Lucrece, ni Salluste n’eussent point existé ou n’eussent point écrit. Le siecle aimable de Lélius & de Térence amenoit de loin, le siecle brillant d’Auguste & d’Horace enfin les siecles