Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/28

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nœuds généraux & lâches de l’humanité. La seconde, que l’imperfection de cette société rend la condition de ceux qui la composent, pire que la privation de toute société entr’eux. La troisième, que ces premiers liens, qui rendent cette société nuisible, la rendent en même tems facile à perfectionner ; en sorte que tous ses Membres pourroient tirer leur bonheur de ce qui fait actuellement leur misère, & changer en une paix éternelle, l’état de guerre qui règne entr’eux.

Voyons maintenant de quelle manière ce grand ouvrage, commencé par la fortune, peut être achevé par la raison ; & comment la société libre & volontaire, qui unit tous les Etats Européens, prenant la force & la solidité d’un vrai Corps politique, peut se changer en une confédération réelle. Il est indubitable qu’un pareil établissement donnant à cette association la perfection qui lui manquoit, en détruira l’abus, en étendra les avantages, & forcera toutes les parties à concourir au bien commun ; mais il faut pour cela que cette confédération soit tellement générale, que nulle Puissance considérable ne s’y refuse ; qu’elle ait un Tribunal judiciaire, qui puisse établir les loix & les règlemens qui doivent obliger tous les Membres ; qu’elle ait une force coactive & coercitive, pour contraindre chaque Etat de se soumettre aux délibérations communes, soit pour agir, soit pour s’abstenir ; enfin, qu’elle soit ferme & durable, pour empêcher que les Membres ne s’en détachent à leur volonté, sitôt qu’ils croiront voir leur intérêt particulier contraire à l’intérêt général. Voilà les signes certains, auxquels on reconnoîtra que l’institution est sage, utile & inébranlable : il s’agit maintenant d’étendre