Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/295

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Suisse, comme si le petit coin que j’habite avoir besoin d’être circonscrit d’un si grand espace. Il y a pourtant des choses générales qui ne se devinent point, & qu’il faut savoir pour juger des objets particuliers. Pour connoître Motiers, il faut avoir quelque idée du Comté de Neufchâtel, & pour connoître le Comté de Neufchâtel, il faut en avoir de la Suisse entiere.

Elle offre à-peu-près par-tout les mêmes aspects, des lacs, des prés, des bois, des montagnes ; & les Suisses ont aussi tous à-peu-près les mêmes mœurs, mêlées de l’imitation des autres peuples & de leur antique simplicité. Ils ont des manieres de vivre qui ne changent point, parce qu’elles tiennent, pour ainsi dire, au sol du climat, aux besoins divers, & qu’en cela les habitans sont toujours forcés de se conformer à ce que la nature des lieux leur prescrit. Telle est, par exemple, la distribution de leurs habitations, beaucoup moins réunies en villes & en bourgs qu’en France, mais éparses & dispersées çà & là sur le terrain avec beaucoup plus d’égalité. Ainsi, quoique la Suisse soit en général plus peuplée à proportion que la France, elle a de moins grandes villes & de moins gros villages : en revanche on y trouve par-tout des maisons, le village couvre toute la paroisse, & la ville s’étend sur tout le pays. La Suisse entiere est comme une grande ville divisée en treize quartiers, dont les uns sont sur les vallées, d’autres sur les côteaux, d’autres sur les montagnes. Geneve, St. Gal, Neufchâtel sont comme les fauxbourgs : il y a des quartiers plus ou moins peuplés, mais tous le sont assez pour marquer qu’on est toujours dans la ville : seulement les maisons, au lieu d’être alignées, sont dispersées sans symétrie & sans ordre, comme