Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/314

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Comme la direction du vallon coupe obliquement le cours du soleil, la hauteur des monts jette toujours de l’ombre par quelque côté sur la plaine, de sorte qu’en dirigeant ses promenades & choisissant ses heures, on peut aisément faire à l’abri du soleil tout le tour du vallon. D’ailleurs ces mêmes montagnes interceptant ses rayons, sont qu’il se levé tard & se couche de bonne heure, en sorte qu’on n’en est pas long-tems brûlé. Nous avons presque ici la clef de l’énigme du Ciel de trois aunes, & il est certain que les maisons qui sont près de la source de la Reuse, n’ont pas trois heures de soleil même en été.

Lorsqu’on quitte le bas du vallon pour se promener à micôte, comme nous fîmes une sois, Monsieur le Maréchal, le long des Champeaux du côté d’Andilly, on n’a pas une promenade aussi commode, mais cet agrément est bien compensé, par la variété des sites & des points de vue, par les découvertes que l’on fait sans cesse autour de soi, par les jolis réduits qu’on trouve dans les gorges des montagnes, où, le cours des torrens qui descendent dans la vallée, les hêtres qui les ombragent, les coteaux qui les entourent offrent des asyles verdoyans & frais quand on suffoque à découvert. Ces réduits, ces petits vallons ne s’apperçoivent pas, tant qu’on regardé au loin les montagnes, & cela joint à l’agrément du lieu celui de la surprise, lorsqu’on vient tout-d’un-coup à les découvrir. Combien de fois je me suis figuré, vous suivant à la promenade & tournant autour d’un rocher aride, vous voir surpris & charmé de retrouver des bosquets pour les Dryades où vous n’auriez cru trouver que des antres & des ours.