Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/321

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cours suffisant pour leur écoulement. Alors s’étant extrêmement élevées, & agissant avec une grade force contre les obstacles qui les retenoient, elles s’ouvrirent enfin quelque issue par le côté le plus foible & le plus bas. Les premiers filets échappés ne cessant de creuser & de s’agrandir, & le niveau du lac baissant à proportion, à force de tems le vallon dut enfin se trouver à sec. Cette conjecture qui m’est venue est examinant la grotte où l’on voit des traces sensibles du cours de l’eau, s’est confirmée premiérement par le rapport de ceux qui ont été dans la galerie souterraine, & qui m’ont dit avoir trouvé des eaux croupissantes dans les creux des fondrieres dont j’ai parlé ; elle s’est confirmée encore dans les pélerinages que j’ai faits à quatre lieues d’ici pour aller voir Mylord Maréchal à sa campagne au bord du lac, & où je suivois, en montant la montagne, la riviere qui descendoit à côté de moi par des profondeurs effrayantes, que selon toute apparence elle n’a pas trouvées toutes faites, & qu’elle n’a pas, non plus ; creusées en un jour. Enfin, j’ai pensé que l’asphalte qui n’est qu’un bitume durci étoit encore un indice d’un pays long-tems imbibé par les eaux. Si j’osois croire que ces folies pussent vous amuser, je tracerois sur le papier une espece de plan qui pût vous éclaircir tout cela : mais il faut attendre qu’une saison plus favorable & un peu de relâche à mes maux me laissent en état de parcourir le pays.

On peut vivre ici puisqu’il y a des habitans. On y trouve même, les principales commodités de la vie, quoi qu’un peu moins facilement qu’en France. Les denrées y sont cheres parce que le pays en produit peu, & qu’il est fort peuplé surtout