Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/360

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fait ici depuis près d’un an que vous avez attendu ? Si cinq ou six Bourgeois seulement eussent protesté, l’on pourroit vous croire sur les sentimens que vous leur prêtez. Cette démarche étoit facile, légitime, elle ne troubloit point l’ordre public : pourquoi donc ne l’a-t-on pas faite ? Le silence de tous ne dément-il pas vos assertions ? Montrez-nous les signes du désaveu que vous leur prêtez. Voilà, Monsieur, ce qu’on me diroit & qu’on auroit raison de me dire : on ne juge point les hommes par leurs pensées, on les juge sur leurs actions.

Il y avoit peut-être divers moyens de me venger de l’outrage, mais il n’y en avoit qu’un de le repousser sans vengeance, & c’est celui que j’ai pris. Ce moyen qui ne fait de mal qu’à moi, doit-il m’attirer des reproches, au lieu des consolations que je devois espérer ?

Vous dites que je n’avois pas droit de demander l’abdication de ma bourgeoisie : mais le dire n’est pas le prouver. Nous sommes bien loin de compte : car je n’ai point prétendu demander cette abdication, mais la donner. J’ai assez étudié mes droits pour les connoître, quoique je ne les aye exercés qu’une fois & seulement pour les abdiquer. Ayant pour moi l’usage de tous les Peuples, l’autorité de la raison, du droit naturel, de Grotius, de tous les Jurisconsultes, & même l’aveu du Conseil, je ne suis pas obligé de me régler sur votre erreur. Chacun sait que tout tracte dont une des parties enfreint les conditions, devient nul pour l’autre. Quand je devois tout à la Patrie, ne me devoir-elle rien ? J’ai payé ma dette, a-t-elle payé la sienne ? On n’a jamais droit de la déserter, je l’avoue ; mais quand elle nous rejette, on a toujours droit de la quitter ; on le peut dans les