Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/435

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d’y laisser du moins quelque monument de ma reconnoissance, & je m’honorerai aux yeux de toute la terre de vous appeller mes hôtes & mes protecteurs.

Je reçus bien par M. le Chevalier R.... la lettre de M. Paoli ; mais pour vous faire entendre pourquoi j’y répondis en si peu de mots, & d’un ton si vague, il faut vous dire, Monsieur, que le bruit de la proposition que vous m’aviez faite s’étant répandu sans que je sache comment, M. de Voltaire fit entendre à tout le monde que cette proposition étoit une invention de sa façon ; il prétendoit m’avoir écrit au nom des Corses une lettre contrefaite dont j’avois été la dupe. Comme j’étois très-sûr de vous, je le laissai dire, j’allai mon train & je ne vous en parlai pas même. Mais il fit plus : il se vanta l’hiver dernier que malgré Mylord Maréchal & le Roi même, il me seroit chasser du pays. Il avoit des émissaires, les uns connus, les autres secrets. Dans le fort de la fermentation à laquelle mon dernier écrit servit de prétexte, arrive ici M. de R...... il vient me voir de la part de M. Paoli, sans m’apporter aucune lettre ni de la sienne, ni de la vôtre, ni de personne ; il refuse de se nommer, il venoit de Geneve, il avoit vu mes plus ardens ennemis, on me i’écrivoit. Son long séjour en ce pays, sans y avoir aucune affaire, avoit l’air du monde le plus mystérieux. Ce séjour fut précisément le tems où l’orage fut excité contre moi. Ajoutez qu’il avoit fait tous ses efforts pour savoir quelles relations je pouvois avoir en Corse. Comme il ne vous avoir point nommé, je ne voulus point vous nommer non plus. Enfin il m’apporte la lettre de M. Paoli dont je ne connoissois point l’écriture ; jugez si tout cela devoit m’être