Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/55

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n’est qu’afin de parvenir à les posséder enfin tous les deux ensemble qu’il les poursuit séparément ; car pour être le maître des hommes & des choses, il faut qu’il ait à la fois l’empire & l’argent.

Ajoutons enfin, sur les grands avantages qui doivent résulter pour le commerce, d’une paix générale & perpétuelle, qu’ils sont bien en eux-mêmes certains & incontestables, mais qu’étant communs à tous ils ne seront réels pour personne, attendu que de tels avantages ne se sentent que par leurs différences, & que pour augmenter sa puissance relative, on ne doit chercher que des biens exclusifs.

Sans cesse abusés par l’apparence des choses, les Princes rejetteroient donc cette paix, quand ils peseroient leurs intérêts eux-mêmes ; que sera-ce quand do les feront peser par leurs Ministres dont les intérêts sont toujours opposés à ceux du peuple & presque toujours à ceux du Prince ? Les Ministres ont besoin de la guerre pour se rendre nécessaires, pour jetter le Prince dans des embarras dont il ne se puisse tirer sans eux & pour perdre l’Etat, s’il le faut, plutôt que leur place ; ils en ont besoin pour vexer le peuple sous prétexte des nécessités publiques ; ils en ont besoin pour placer leurs créatures, gagner sur les marchés, & faire en secret mille odieux monopoles ; ils en ont besoin pour satisfaire leurs passions, & s’expulser mutuellement ; ils en ont besoin pour s’emparer du Prince, en le tirant de la Cour quand il s’y forme contr’eux des intrigues dangereuses ; ils perdroient toutes ces ; ressources par la paix perpétuelle, & le public ne laisse pas de demander pourquoi, si ce projet est possible, ils ne l’ont