Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/562

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Mais que devins-je lorsque je vis dans les papiers publics la prétendue lettre du Roi de Prusse que je n’avois pas encore vue, cette fausse lettre imprimée en François & en Anglois, donnée pour vraie, même avec la signature du Roi, & que j’y reconnus la plume de M, d’Alembert, aussi surement que si je la lui avois vu écrire ?

À l’instant un trait de lumiere vint m’éclairer sur la cause secrete du changement étonnant & prompt du public Anglois à mon égard, & je vis à Paris le foyer du complot qui s’exécutoit à Londres.

M. d’Alembert, autre ami très-intime de M. Hume, étoit depuis long-tems mon ennemi caché, & n’épioit que les occasions de me nuire sans se commettre ; il étoit le seul des gens de Lettres d’un certain nom & de mes anciennes connoissances qui ne me fût point venu voir ou qui ne m’eût rien fait dire à mon dernier passage à Paris. Je connoissois ses dispositions secretes, mais je m’en inquiétois peu, me contentant d’en avertir mes amis dans l’occasion. Je me souviens qu’un jour questionné sur son compte par M. Hume, qui questionna de même ensuite ma gouvernante, je lui dis que M. d’Alembert étoit un homme adroit & rusé. Il me contredit avec une chaleur dont je m’étonnai, ne sachant pas alors qu’ils étoient si bien ensemble, & que c’étoit sa propre cause qu’il défendoit.

La lecture de cette lettre m’alarma beaucoup, & sentant que j’avois été attiré en Angleterre en vertu d’un projet qui commençoit à s’exécuter, mais dont j’ignorois le but, je sentois le péril sans savoir où il pouvoit être ni de quoi j’avois à me garantir ; je me rappellai alors quatre mots effrayans de