Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/573

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offices, tant que j’aurois de lui les sentimens que j’avois conçus. Il avoit éludé l’explication lui-même. Ainsi me servant sans se justifier, il rendoit ses soins inutiles ; il n’étoit donc généreux.

S’il supposoit qu’en cet état j’accepterois ses soins, il supposoit donc que j’étois un infâme. C’étoit donc pour un homme qu’il jugeoit être un infâme qu’il sollicitoit avec tant d’ardeur une pension du Roi ? Peut-on rien penser de plus extravagant ?

Mais que M. Hume, suivant toujours son plan, se soit dit à lui-même : voici le moment de l’exécution ; car, pressant Rousseau d’accepter la pension, il faudra qu’il l’accepte qu’il la refuse. S’il l’accepte, avec les preuves que j’ai en main, je le déshonore complétement ; s’il la refuse après l’avoir acceptée, on a levé tout prétexte, il faudra qu’il dise pourquoi. C’est-là que je l’attends ; s’il m’accuse il est perdu.

Si, dis-je, M. Hume a raisonné ainsi, il a fait une chose fort conséquente à son plan, & par-là même ici fort naturelle, & il n’y a que cette unique façon d’expliquer sa conduite dans cette affaire ; car elle est inexplicable dans toute autre supposition : si ceci n’est pas démontré, jamais rien ne le sera.

L’état critique où il m’a réduit me rappelle bien fortement les quatre mots dont j’ai parlé ci-devant, & que je lui entendis dire & répéter dans un tems où je n’en pénétrois gueres la force. C’étoit la premiere nuit qui suivit notre départ de Paris. Nous étions couchés dans la même chambre, & plusieurs fois dans la nuit, je l’entends s’écrier en François avec