Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/620

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C’est à présent qu’il doit ramener dans son sein toutes les vertus sociales que l’amour de l’ordre établit sur l’amour de la liberté. Il est impossible qu’une patrie qui a de tels enfans ne retrouve pas enfin ses peres, & c’est alors que la grande famille sera tout à la fois illustre, florissante, heureuse, & donnera vraiment au monde un exemple digne d’imitation. Pardon, cher ami ; emporté par mes desirs, je fais ici sottement le prédicateur ; mais après avoir vu ce que vous étiez, je suis plein de ce que vous pouvez être. Des hommes si sages n’ont assurément pas besoin d’exhortation pour continuer à l’être ; mais moi j’ai besoin de donner quelque essor aux plus ardens vœux de mon cœur.

Au reste, je vous félicite en particulier d’un bonheur qui n’est pas toujours attaché à la bonne cause ; c’est d’avoir trouvé pour le soutien de la vôtre des talens capables de la faire valoir. Vos mémoires sont des chefs-d’œuvres de logique de diction. Je sais quelles lumieres regnent dans vos cercles, qu’on y raisonne bien, qu’on y connoît à fond vos Edits, mais on n’y trouve pas communément, des gens qui tiennent ainsi la plume. Celui qui a tenu la vôtre, quel qu’il soit, est un homme rare ; n’oubliez jamais la reconnoissance que vous lui devez.

À l’égard de la réponse amicale que vous me demandez sur ce qui me regarde, je la ferai avec la plus pleine confiance. Rien dans le monde n’a plus affligé & navré mon cœur que le décret de Geneve. Il n’en fut jamais de pas inique, de plus absurde & de plus ridicule : cependant il n’a pu détacher mes affections de ma patrie, & rien au monde ne les en peut détacher.