Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/642

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sont bien différentes, dans leurs effets, des complots tramés & concertés durant longues années dans un profond silence, & dont les développemens successifs se sont lentement, sourdement & avec méthode. Vous parlez d’évidence ; quand vous la verrez contre moi, jugez -moi, c’est votre droit ; mais n’oubliez pas de juger aussi mes accusateurs ; examinez quel motif leur inspire tant de zele. J’ai toujours vu que les méchans inspiroient de l’horreur, mais point d’animosité. On les punit ou on les suit, mais on ne se tourmente pas d’eux sans cesse ; on ne s’occupe pas sans cesse à les circonvenir, à les tromper, à les trahir ; ce n’est point à eux que l’on fait ces choses-là, ce sont eux qui les sont aux autres. Dites donc ces honnêtes gens si zélés, si vertueux, si fiers sur-tout d’être des traîtres, & qui se masquent avec tant de soin pour me démasquer : “Messieurs, j’admire votre zele, & vos preuves me paroissent sans réplique ; mais pourquoi donc craindre si fort que l’accusé ne les sache & n’y réponde ? Permettez que je l’en instruise & que je vous nomme. Il n’est pas généreux, il n’est pas même juste de diffamer un homme, quel qu’il soit, en se cachant de lui. C’est, dites-vous, par ménagement pour lui que vous ne voulez pas le confondre ; mais il seroit moins cruel, ce me semble, de le confondre que de le diffamer, & de lui ôter la vie que de la lui rendre insupportable. Tout hypocrite de vertu doit être publiquement confondu ; c’est là son vrai châtiment, & l’évidence elle-même est suspecte, quand elle élude la conviction de l’accusé.” En leur parlant de la sorte, examinez leur contenance, pesez leur réponse ; suivez, en la jugeant, les mouvemens