Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/661

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

modération que vous y voulez mettre, aux amusemens du grand monde où vous vous trouvez. Votre âge, Madame, vos sentimens, vos résolutions, vous donnent tout le droit d’en goûter les innocens plaisirs sans alarmes ; & tout ce que je vois de plus à craindre dans les sociétés où vous allez briller, est que vous ne rendiez beaucoup plus difficile à suivre pour d’autres, l’avis que je prends la liberté de vous donner.

Je crains bien, Madame, que l’intérêt peut-être un peu trop vis que vous m’inspirez, ne m’ait fait vous prendre un peu trop légèrement au mot sur ce ton de pédagogue que vous m’invitez en quelque façon de prendre avec vous. Si vous trouvez mon radotage impertinent ou maussade, ce sera ma vengea de la petite malice avec laquelle vous êtes venue agacer un pauvre barbon qui se dépêche d’être sermoneur, pour éviter tentation d’être encore plus ridicule. Je suis même un peu tenté, je vous l’avoue, de m’en tenir là ; l’état où vous m’apprenez que vous êtes actuellement, & le vide du cœur,, accompagné d’une tristesse habituelle que laisse dans le vôtre ce tumulte qu’on appelle société, me donnent, Madame, un vis desir de rechercher avec vous s’il n’y auroit pas moyen de faire servir une de ces deux choses de remede à l’autre ; mais cela me meneroit à des discussions si déplacées dans le train d’amusemens où je vous suppose, & que le carnaval dont nous approchons va probablement rendre plus vifs, qu’il me faudroit de votre part plus qu’une permission pour oser entamer cette matiere dans un moment aussi désavantageux ; si vous m’entendez d’avance, comme je puis l’espérer ou le craindre, dites-moi de grace si je dois parler ou me taire, & soyez sure, Madame, que dans