Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/88

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sous la Régence que l’Abbé de St. Pierre accusoit de pouvoir trop aisément dégénérer en demi-Visirat & même en Visirat ; d’être susceptible, aussi bien que l’un & l’autre, de corruption dans ses membres, & de concert entre eux contre l’intérêt public ; de n’avoir jamais d’autre sûreté pour sa durée que la volonté du Monarque régnant ; enfin de n’être propre que pour les Princes laborieux, & d’être, par conséquent, plus souvent contraire que favorable au bon ordre & à l’expédition des affaires. C’étoit l’espoir de remédier à ces divers inconvéniens qui l’engageoit à proposer une autre Polysynodie entiérement différente de celle qu’il feignoit de ne vouloir que perfectionner.

Il ne faut donc pu que la conformité des noms fasse confondre son projet avec cette ridicule Polysynodie dont il vouloit autoriser la sienne, mais qu’on appelloit dès-lors par dérision les soixante & dix Ministres, & qui fut réformée au bout de quelques mois sans avoir rien fait qu’achever de tout gâter : car la manière dont cette administration avoit été établie fait assez voir qu’on ne s’étoit pu beaucoup soucié qu’elle allât mieux, & qu’on avoit bien plus songé à rendre le Parlement méprisable au peuple qu’à donner réellement à ses membres l’autorité qu’on feignoit de leur confier. C’étoit un piège aux pouvoirs intermédiaires, semblable à celui que leur avoit déjà tendu Henri IV à l’assemblée de Rouen, piége dans lequel la vanité les fera toujours donner & qui les humiliera toujours. L’ordre politique & l’ordre civil ont dans les Monarchies des principes si differéns & des règles si contraires qu’il est presque impossible d’allier les deux administrations, & qu’en général les membres des Tribunaux sont peu propres pour les