Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t12.djvu/94

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Gouvernement. Le meilleur plan général n’est-ce pas, dit-il, celui qui va le plus droit au plus grand bien de l’Etat dans chaque affaire particuliere ? D’où il tire cette conclusion très-fausse que les divers plans généraux, ni par conséquent les règlemens & les affaires qui s’y rapportent, ne peuvent jamais se croiser ou se nuire mutuellement.

En effet, le plus grand bien de l’Etat n’est pas toujours une chose si claire, ni qui dépende autant qu’on le croiroit, du plus grand bien de chaque partie ; comme si les mêmes affaires ne pouvoient pas avoir entr’elles une infinité d’ordres divers & de liaisons plus ou moins fortes qui forment autant de différences dans les plans généraux. Ces plans bien digérés sont toujours doubles, & renferment dans un systême comparé la forme actuelle de l’Etat & sa forme perfectionnée selon les vues de l’Auteur. Or, cette perfection dans un tout aussi composé que le corps politique, ne dépend pas seulement de celle de chaque partie, comme pour ordonner un palais il ne suffit pas d’en bien disposer chaque piece, mais il faut de plus considérer les rapports du tout, les liaisons les plus convenables, l’ordre le plus commode, la plus facile communication, le plus parfait ensemble, & la symétrie la plus régulière. Ces objets généraux sont si importans, que l’habile Architecte sacrifie au mieux du tout mille avantages particuliers, qu’il auroit pu conserver dans une ordonnance moins parfaite & moins simple. De même, le politique ne regarde en particulier ni les finances, ni la guerre, ni le commerce ; mais il rapporte toutes ces parties à un objet commun ; & des proportions qui leur conviennent le mieux résultent les plans généraux dont