Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t15.djvu/26

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des ténebres de l’antiquité sortent quelques rayons lumineux ; nous les suivons, nous les admirons : plus ils nous éblouissent, moins ils sont propres à nous éclairer sur l’obscurité des objets qui les environnent : les philosophes moraux, les politiques spéculatifs ont encore ajouté à l’illusion, les premiers en cherchant à augmenter l’émulation de la vertu par des exemples miraculeux ; les autres en voulant à toute force trouver ou donner des causes certaines à tous les effets, pour parvenir à établir sur des principes fixes une science qu’ils croient destinée à détrôner la fortune. De ce que ces peuples ont fait de grandes choses, on a conclu qu’ils devoient nécessairement les faire ; les merveilles de leurs succès ont fait croire celles de leur gouvernement & de leurs mœurs : ainsi est formée l’idée d’une vertu parfaite : cette prétendue pureté a été regardée comme la fille de l’ignorance, & est devenue le grand argument de nos adversaires ; mais après que leur chimere est évanouie, que reste-t-il à l’ignorance ? Si elle n’avoir pour elle que cette perfection des mœurs, comme ses partisans font forcés d’en convenir, & si cette perfection n’a jamais existé, quels motifs de préférence peut-elle encore attribuer ?

Si de-là nous descendons aux premiers siecles des nations modernes, quel spectacle nous présente l’Europe ravagée par les Barbares descendus du nord ? L’ignorance usurpa tous les trônes l’esprit humain reçut des fers ; les noms de mœurs & de vertus disparurent avec ceux de sciences & d’arts ; il n’y eut plus de gloire que celle de détruire les hommes, ou de les, rendre esclaves. À se renfermer dans notre nation, quelles