Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/120

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Quand ce discours fut foit, je le montrai à Diderot, qui en fut content & m’indiqua quelques corrections. Cependant cet ouvrage, plein de chaleur & de force, manque absolument de logique & d’ordre ; de tous ceux qui sont sortis de ma plume c’est le plus foible de raisonnement & le plus pauvre de nombre & d’harmonie ; mais avec quelque talent qu’on puisse être né, l’art d’écrire ne s’apprend pas tout-d’un-coup.

Je fis partir cette pièce sans en parler à personne autre, si ce n’est, je pense, à G[...], avec lequel, depuis son entrée chez le Comte de F

[rièse] je commençois à vivre dans la plus grande intimité. Il avoit un clavecin qui nous servoit de point de réunion & autour duquel je passois avec lui tous les momens que j’avois de libres, à chanter des airs italiens & des barcarolles sans trêve & sans relâche du matin au soir, ou plutôt du soir au matin ; & sitôt qu’on ne me trouvoit pas chez Mde. D[...]n, on étoit sûr de me trouver chez M. G[...], ou du moins avec lui, soit à la promenade, soit au spectacle. Je cessai d’aller à la Comédie italienne, où j’avois mes entrées, mais qu’il n’aimoit pas, pour aller avec lui, en payant, à la Comédie française, dont il étoit passionné. Enfin un attroit si puissant me lioit à ce jeune homme & j’en devins tellement inséparable, que la pauvre tante elle-même en étoit négligée, c’est-à-dire, que je la voyois moins ; car jamais un moment de ma vie mon attachement pour elle ne s’est affoibli.

Cette impossibilité de partager à mes inclinations le peu de tems que j’avois de libre renouvela plus vivement que