Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/123

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l’heure, si la vieille maman ne nous eût avertis. Mais laissons ces détails, qui paraîtront insipides ou risibles : je l’ai toujours dit & senti, la véritable jouissance ne se décrit point.

J’en eus à peu près dans le même tems une plus grossière, la dernière de cette espèce que j’aye eue à me reprocher. J’ai dit que le ministre Klupffell étoit aimable : mes liaisons avec lui n’étoient guère moins étroites qu’avec G[...]& devinrent aussi familières ; ils mangeoient quelquefois chez moi. Ces repas, un peu plus que simples, étoient égayés par les fines & folles polissonneries de Klupffell & par les plaisans germanismes de G[...], qui n’étoit pas encore devenu puriste.

La sensualité ne présidoit pas à nos petites orgies ; mais la joie y suppléoit & nous nous trouvions si bien ensemble que nous ne pouvions nous quitter. Klupffell avoit mis dans ses meubles une petite fille, qui ne laissoit pas d’être à tout le monde, parce qu’il ne pouvoit pas l’entretenir à lui tout seul. Un soir, en entrant au café, nous le trouvâmes qui en sortoit pour aller souper avec elle. Nous le raillâmes ; il s’en vengea galamment en nous mettant du même souper & puis nous raillant à son tour. Cette pauvre créature me parut d’un assez bon naturel, très douce & peu faite à son métier, auquel une sorcière qu’elle avoit avec elle la styloit de son mieux. Les propos & le vin nous égayèrent au point que nous nous oubliâmes. Le bon Klupffell ne voulut pas faire ses honneurs à demi & nous passâmes tous trois successivement dans la chambre voisine avec la