Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/297

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Billet de Diderot.

"Je suis fait pour vous aimer, & pour vous donner du chagrin. J’apprends que Mde. D’

[Epina] y va à Genève, & je n’entends point dire que vous l’accompagniez. Mon ami, content de Mde. D’

[Epina] y, il faut partir avec elle : mécontent, il faut partir beaucoup plus vite. Etes-vous surchargé du poids des obligations que vous lui avez ? voilà une occasion de vous acquitter en partie & de vous soulager. Trouverez-vous une autre occasion dans votre vie de lui témoigner votre reconnoissance ? Elle va dans un pays où elle sera comme tombée des nues. Elle est malade : elle aura besoin d’amusement & de distraction. L’hiver ! voyez, mon ami. L’objection de votre santé peut être beaucoup plus forte que je ne la crois. Mais êtes-vous plus mal aujourd’hui que vous ne l’étiez il y a un mois, & que vous ne le serez au commencement du printemps ? Ferez-vous dans trois mois d’ici le voyage plus commodément qu’aujourd’hui ? Pour moi je vous avoue que si je ne pouvois supporter la chaise, je prendrois un bâton & je la suivrois. Et puis ne craignez-vous point qu’on ne mésinterprête votre conduite ? On vous soupçonnera ou d’ingratitude ou d’un autre motif secret. Je sais bien que quoi que vous fassiez, vous aurez toujours pour vous le témoignage de votre conscience : mais ce témoignage suffit-il seul, & est-il permis de négliger jusqu’à certain point celui des autres hommes ? Au reste, mon ami, c’est pour m’acquitter avec vous & avec moi