Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/33

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m’adressant verbalement quelques mots d’exhortation d’un ton froid qui me glaça. Je voulus parler, la parole expira sur mes lèvres : ma subite passion s’éteignit avec l’espérance ; & après une déclaration dans les formes, je continuai de vivre avec elle comme auparavant, sans plus lui parler de rien, même des yeux.

Je crus ma sottise oubliée : je me trompai M. de F

[rancuei] l, fils de M. D[...]n & beau-fils de Madame, étoit à peu près de son âge & du mien. Il avoit de l’esprit, de la figure ; il pouvoit avoir des prétentions ; on disoit qu’il en avoit auprès d’elle, uniquement peut-être parce qu’elle lui avoit donné une femme bien laide, bien douce & qu’elle vivoit parfaitement bien avec tous les deux. M. de F

[rancuei] l aimoit & cultivoit les talents. La musique, qu’il savoit fort bien, fut entre nous un moyen de liaison. Je le vis beaucoup ; je m’attachois à lui : tout d’un coup il me fit entendre que Mde. D[...]n trouvoit mes visites trop fréquentes & me prioit de les discontinuer. Ce compliment auroit pu être à sa place quand elle me rendit ma lettre ; mais huit ou dix jours après & sans aucune autre cause, il venoit, ce me semble, hors de propos. Cela faisoit une position d’autant plus bizarre, que je n’en étois pas moins bien venu qu’auparavant chez M. & Mde. de F

[rancuei] l. J’y allai cependant plus rarement ; & j’aurois cessé d’y aller tout à foit, si, par un autre caprice imprévu, Mde. D[...]n ne m’avoit foit prier de veiller pendant huit ou dix jours à son fils, qui, changeant de gouverneur, restoit seul durant cet intervalle. Je passai ces huit jours dans un supplice que le plaisir d’obéir