Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/411

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tout cela me rebuta bientôt des soins que je voulois lui rendre ; je la négligeai, elle s’en aperçut : c’en fut assez pour la mettre en fureur, & quoique je sentisse assez combien une femme de ce caractère pouvoit être à craindre, j’aimai mieux encore m’exposer au fléau de sa haine qu’à celui de son amitié.

Ce n’étoit pas assez d’avoir si peu d’amis dans la société de Mde. de Luxembourg, si je n’avois des ennemis dans sa famille. Je n’en eus qu’un, mais qui, par la position où je me trouve aujourd’hui, en vaut cent. Ce n’étoit assurément pas M. le duc de Villeroy son frère ; car, non-seulement il m’étoit venu voir, mais il m’avoit invité plusieurs fois d’aller à Villeroy, & comme j’avois répondu à cette invitation avec autant de respect & d’honnêteté qu’il m’avoit été possible, partant de cette réponse vague comme d’un consentement, il avoit arrangé avec M. & Mde. de Luxembourg un voyage d’une quinzaine de jours, dont je devois être, & qui me fut proposé. Comme les soins qu’exigeoit ma santé ne me permettoient pas alors de me déplacer sans risque, je priai M. de Luxembourg de vouloir bien me dégager. On peut voir par sa réponse que cela se fit de la meilleure grace du monde, & M. le duc de Villeroy ne m’en témoigna pas moins de bonté qu’auparavant. Son neveu & son héritier, le jeune marquis de V......, ne participa pas à la bienveillance dont m’honoroit son oncle, ni aussi, je l’avoue, au respect que j’avois pour lui. Ses airs éventés me le rendirent insupportable, & mon air froid m’attira son aversion. Il fit même, un soir à table, une incartade, dont je me tirai mal, parce