Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/420

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qu’elle auroit reçu. J’en appelle sur ce point à son témoignage, & dès à présent, & lorsque, selon le cours de la nature, elle m’aura survécu. Malheureusement elle est peu entendue en économie à tous égards, peu soigneuse & fort dépensière, non par vanité ni par gourmandise, mais par négligence uniquement. Nul n’est parfait ici-bas ; & puisqu’il faut que ses excellentes qualités soient rachetées, j’aime mieux qu’elle oit des défauts que des vices, quoique ces défauts nous fassent peut-être encore plus de mal à tous deux. Les soins que j’ai pris pour elle, comme jadis pour maman, de lui accumuler quelque avance qui pût un jour lui servir de ressource, sont inimaginables ; mais ce furent toujours des soins perdus.

Jamais elles n’ont compté ni l’une ni l’autre avec elles-mêmes, & malgré tous mes efforts, tout est toujours parti à mesure qu’il est venu. Quelque simplement que Thérèse se mette, jamais la pension de Rey ne lui a suffi pour se niper, que je n’y aye encore suppléé du mien chaque année. Nous ne sommes pas faits, ni elle ni moi, pour être jamais riches, & je ne compte assurément pas cela parmi nos malheurs.

Le Contrat Social s’imprimoit assez rapidement. Il n’en étoit pas de même de l’Emile, dont j’attendois la publication, pour exécuter la retraite que je méditais. Duchesne m’envoyoit de tems à autre des modèles d’impression pour choisir : quand j’avois choisi, au lieu de commencer, il m’en envoyoit encore d’autres. Quand enfin nous fûmes bien déterminés sur le format, sur le caractère, & qu’il avoit déjà plusieurs feuilles d’imprimées, sur quelques légers changemens que je fis à une épreuve, il recommença tout, &