Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t16.djvu/48

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réclamer au nom de Sa Majesté. Ma courte harangue fit effet. À peine étois-je parti, que mon homme courut rendre compte de son aventure aux inquisiteurs d’état, qui lui lavèrent la tête. Véronèse fut congédié le jour même. Je lui fis dire que s’il ne partoit dans la huitaine, je le ferois arrêter, & il partit.

Dans une autre occasion je tirai de peine un capitaine de vaisseau marchand, par moi seul & presque sans le concours de personne. Il s’appeloit le capitaine Olivet de Marseille ; j’ai oublié le nom du vaisseau. Son équipage avoit pris querelle avec des Esclavons au service de la république : il y avoit eu des voies de foit & le vaisseau avoit été mis aux arrêts avec une telle sévérité, que personne, excepté le seul capitaine, n’y pouvoit aborder ni en sortir sans permission. Il eut recours à l’ambassadeur, qui l’envoya promener ; il fut au consul, qui lui dit que ce n’étoit pas une affaire de commerce & qu’il ne pouvoit s’en mêler. Ne sachant plus que faire, il revint à moi. Je représentai à M. de M

[ontaigu] qu’il devoit me permettre de donner sur cette affaire un mémoire au sénat. Je ne me rappelle pas s’il y consentit & si je présentai le mémoire ; mais je me rappelle bien que, mes démarches n’aboutissant à rien & l’embargo durant toujours, je pris un parti qui me réussit. J’insérai la relation de cette affaire dans une dépêche à M. de Maurepas & j’eus même assez de peine à faire consentir M. de M

[ontaigu] à passer cet article.

Je savois que nos dépêches, sans valoir trop la peine d’être ouvertes, l’étoient à Venise ; j’en avois la preuve dans les articles que j’en trouvois mot pour mot dans la gazette,