Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t17.djvu/363

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LETTRE À Mr. LE MS. DE MIRABEAU.

13 Janvier 1768.

J’ai, mon illustre ami, pour vous écrire, laissé passer le temps des sots complimens dictés non par le cœur, mais par le jour & par l’heure, & qui partent à leur moment comme la détente d’une horloge. Mes sentimens pour vous son trop vrais pour avoir besoin d’être dits, & vous les méritez trop bien pour manquer de les connoître. Je vous plains du fond de mon cœur des tracas où vous êtes ; car quoique vous en disiez, je vous vois embarqué, sinon dans des querelles littéraires, au moins dans des querelles économiques & politiques ; ce qui seroit peut-être encore pis, s’il étoit possible. Je suis prêt à tomber en défaillance au seul souvenir de tout cela. Permettez que je n’en parle plus ; que je n’y pense plus, que par le tendre intérêt que je prends à votre repos, à votre gloire. Je puis bien tenir les mains élevées pendant le combat, mais non pas me résoudre à le regarder.

Parlons de chansons, cela vaudra mieux. Seroit-il possible que vous songeassiez tout de bon à faire un opéra ? () ! que vous seriez aimable, & que j’aimerois bien mieux vous voir chanter à l’opéra que crier dans le désert ! Non qu’on ne vous écoute & qu’on ne vous lise, mais on ne vous suit ni ne veut vous entendre. Ma foi, Monsieur, faisons comme les nourrices, qui quand les enfans grondent leur chantent