Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

me tromper. Ô que les illusions de l’amour sont aimables ! ses flatteries sont en un sens des vérités ; le jugement se tait, mais le cœur parle. L’amant qui loue en nous des perfections que nous n’avons pas, les voit en effet telles qu’il les représente ; il ne ment point en disant des mensonges ; il flatte sans s’avilir, & l’on peut au moins l’estimer sans le croire.

J’ai entendu, non sans quelque battement de cœur proposer d’avoir demain deux philosophes à souper. L’un est Milord Edouard, l’autre est un sage dont la gravité s’est quelquefois un peu dérangé eaux pieds d’une jeune écoliere ; ne le connoîtriez-vous point ? Exhortez-le, je vous prie, à tâcher de garder demain le décorum philosophique un peu mieux qu’à son ordinaire. J’aurai soin d’avertir aussi la petite personne de baisser les yeux, & d’être aux siens le moins jolie qu’il se pourra.

LETTRE XLVII. À JULIE.

Ah ! mauvaise ! Est-ce là la circonspection que tu m’avois promise ? Est-ce ainsi que tu ménages mon cœur & voiles tes attraits ? Que de contraventions à tes engagemens ! Premierement ta parure, car tu n’en avois point, & tu sais bien que jamais tu n’es si dangereuse. Secondement ton maintien si doux, si modeste, si propre à laisser remarquer à loisir toutes tes graces. Ton parler plus rare, plus réfléchi, plus spirituel encore qu’à l’ordinaire, qui nous