Page:Rousseau - Collection complète des œuvres t2.djvu/30

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qui les occupe, ils sont dans le délire, &pensent philosopher. Voulez-vous qu’ils sachent observer, juger, réfléchir ? Ils ne savent rien de tout cela. Ils savent aimer ; ils rapportent tout à leur passion. L’importance qu’ils donnent à leurs folles idées, est - elle moins amusante que tout l’esprit qu’ils pourroient étaler ? Ils parlent de tout ; ils se trompent sur tout ; ils ne font rien connoitre qu’eux ; mais en se faisant connoitre, ils se font aimer : leurs erreurs valent mieux que le savoir des Sages : leurs cœurs honnêtes portent par-tout, jusques dans leurs fautes, les préjugés de la vertu, toujours confiante cet toujours trahie. Rien ne les entend, rien ne leur répond, tout les détrompe. Ils se refusent aux vérités décourageantes : ne trouvant nulle part ce qu’ils sentent, ils se replient sur eux - mêmes ; ils se détachent du reste de l’Univers ; & créant entre eux un petit monde différent du nôtre, ils y forment un spectacle véritablement nouveau.

N. Je conviens qu’un homme de vingt ans & des filles de dix-huit, ne doivent pas, quoiqu’instruits, parler en Philosophes, même en pensant