LETTRES
DE
DEUX AMANS,
HABITANS D’UNE PETITE VILLE
AU PIED DES ALPES.
LETTRE I.
À Julie.
Il faut vous fuir, Mademoiselle, je le sens bien : j’aurois
dû beaucoup moins attendre, ou plutôt il faloit ne vous voir
jamais. Mais que faire aujourd’hui ? Comment m’y prendre ?
Vous m’avez promis de l’amitié ; voyez mes perplexités, &
conseillez-moi.
Vous savez que je ne suis entré dans votre maison que sur l’invitation de Madame votre mere. Sachant que j’avois cultivé quelques talens agréables, elle a cru qu’ils ne seroient pas inutiles, dans un lieu dépourvu de maîtres, à l’éducation d’une fille qu’elle adore. Fier, à mon tour, d’orner de quelques fleurs un si beau naturel, j’osai me charger de ce dangereux soin sans en prévoir le péril, ou du moins sans le redouter. Je ne vous dirai point que je commence à payer